Juillard
Biographie
André Juillard, né le 9 juin 1948 à Paris, est un dessinateur de bande dessinée et illustrateur français. Auteur-phare de la bande dessinée historique francophone des années 1980, il se diversifie ensuite en travaillant sur le monde contemporain puis en reprenant, en 2000, Blake et Mortimer. C'est également un illustrateur très recherché pour la clarté de son trait. Très prolifique, Juillard arrive en effet à marier un certain académisme, un réalisme classique au dynamisme nécessaire à la bonne tenue d'une bande dessinée.
Des débuts discrets (1974-1982)
Attiré par le dessin comme l'histoire, André Juillard entre après le lycée à l'ENSAD, où il suit des cours en communication visuelle. Amateur de bande dessinées durant son enfance, ce n'est qu'en 1970 qu'il y revient, après la découverte de Lone Sloane de Philippe Druillet, dont il suit, à Vincennes en 1972-1973, les cours de dessins, co-animés avec Jean-Claude Mézières et Jean Giraud. Dès la fin de ses études, il décide de se tourner vers l'illustration et la bande dessinée. En 1974, il participe sans succès à un concours organisé par les maisons d'édition catholiques Bayard presse et Fleurus ; cependant, la rédaction de Formule 1 lui propose de travailler comme illustrateur. Son premier dessin y est publié en 1974.
Il devient rapidement un auteur régulier de Fleurus : en 1975, il publie dans Formule 1 un western, La Longue Piste de Loup Gris, sur un scénario de Claude Verrien. Puis il adapte Roméo et Juliette avec Jacques Josselin pour Djin, hebdomadaire pour filles de Fleurus. En 1976, il entame avec Verrien sa première bande dessinée historique, Bohémond de Saint-Gilles, qui conte les aventures d'un chevalier limousin du XIIIe siècle. Publié dans Formule 1 et, épisodiquement, Triolo. À la mort de Verrien en 1977, le scénario est repris par Pierre Marin, mais la série connaît une forte baisse de qualité. De 1976 à 1980, en collaboration avec Didier Convard et sur des scénarios de Jacques Josselin, il dessine également pour Djin les douze épisodes longs d'Isabelle Fantouri, médecin au service de l'Organisation mondiale de la santé. En plus de ces nombreuses planches, il réalise en 1978, avec Convard, Les Cathares, et de nombreux récits courts pour les revues de la maison.
Malgré cette production pléthorique, Juillard ne connaît pas encore le succès, desservi par une rapidité de production, au détriment du dessin, et par des scénarios d'inégale qualité. C'est alors qu'il quitte Fleurus et passe chez Pif Gadget, où il avait déjà publié, en 1978, un récit court, adapté de Jules Verne. Sur des scénarios de Patrick Cothias, il y lance Masquerouge, une série d'Aventure Historique narrant les exploits d'un voleur masqué, à l"époque de Louis XIII. Ces quinze récits courts, publiés entre juillet 1980 et avril 1982, le font remarquer de Jean-Pierre Dionnet et Henri Filippini, bien plus que par la critique (qui mésestime la production pour enfants) et le public (qui a besoin d'albums). Il publie ensuite dans Pif deux histoires d'aventure écrites par Jean Ollivier. En 1982, il publie avec Isidore Roland Cheminots, ouvrage d'histoire didactique sur l'épopée du rail en France ; c'est une réussite qui passe assez inaperçue. Parallèlement, il dessine en 1980 et 1981 deux monographies historiques publicitaires, distribués par les Crédit agricole du Loiret et du Calvados. Il dessine également des planches pour des histoires de la Bretagne et du Portugal publiées en 1983 et 1984, toujours à des fins publicitaires. La direction de Pif ayant décidé de changer de formule, Masquerouge est arrêté. Désireux de développer l'univers, Juillard et Cothias reprennent les droits de la série et démarchent Filippini pour la publier dans Circus.
Les 7 vies de l'épervier et le succès (1982-1991)
Le duo y reprend effectivement l'univers de Masquerouge : dans une série d'histoires destinées cette fois-ci à un public adulte, Les 7 Vies de l'épervier se passent sous Henri IV, soit quelques années plus tôt que la série d'origine. Publiée à partir d'octobre 1982 dans la revue et de 1983 en albums, la série connaît un succès immédiat. En 1983, Masquerouge est réédité en albums. La même année, Juillard entame avec Jacques Martin Arno, une série d'Aventure ayant pour cadre l'armée Napoléonienne. Le créateur d'Alix voit en lui le premier jeune auteur à avoir su s'ancrer dans la tradition classique tout en y apposant son originalité.
Les trois volumes des 7 vies de l'épervier et d’Arno', parus entre 1983 et 1986, asseyent sa célébrité. Si la seconde série est de facture très classique (l'Histoire n'est qu'un prétexte à des aventures qui auraient pu se passer partout ailleurs), Les 7 vies de l'épervier renouvelle la bande dessinée historique, où l'Histoire est abordée pour elle-même, comme contexte nécessaire à des histoires. De 1988 à 1991, il ne publie plus en bande dessinée que la suite et la fin des 7 vies de l'épervier, directement en album, tandis que certaines de ses premières œuvres (comme celles réalisées avec Jean Ollivier) sont rééditées à des fins commerciales. Juillard se met à travailler de plus en plus comme illustrateur, travaillant sur des textes de Rodolphe, William Faulkner, Irène Frain, Didier Daeninckx, etc. L'influence de Juillard est énorme sur les auteurs de bande dessinée historiques publiés par Glénat, parmi lesquels Jean-Charles Khraen et Éric Arnoux.
Diversification couronnée de succès (1992-1999)
Désireux de ne pas apparaître uniquement comme un excellent dessinateur historique, Juillard se lance en 1993 dans Le Cahier bleu. Les premières planches paraissent dans (A SUIVRE), alors sur le déclin mais qui conservait encore une certaine image de marque, puis l'année suivante en album. Pour ce premier album sans scénariste et traitant du monde contemporain hors d'un genre codifié (comme c'était le cas avec Isabelle Fantouri), Juillard reçoit de nombreux prix. Dans la même veine, il publie en 1998 toujours chez Casterman Après la pluie. Ces réussites ne l'empêchent pas de continuer à produire des bandes dessinées historiques avec Cothias : Plume aux vents, série dérivée des 7 vies de l'épervier paraît en quatre albums chez Dargaud de 1995 à 2002.
La carrière d'illustrateur de Juillard connaît un envol. Alain Beaulet publie plusieurs portfolios à partir de 1993, Christian Desbois ou les éditions du Pythagore publient également de luxueux ouvrages et monographies. Considérant qu'il a prouvé l'étendue de son talent avec Le Cahier bleu, et montré qu'il était plus qu'un simple très grand illustrateur, l'Académie des Grand Prix lui décerne en 1996 le Grand Prix de la Ville d'Angoulême.
Blake et Mortimer et retrait de la bande dessinée historique (depuis 2000)
En 1999 est annoncé que Juillard forme avec Yves Sente la deuxième équipe de reprise de Blake et Mortimer (après Jean Van Hamme et Ted Benoît). Quatre albums paraissent en 2000, 2003, 2004 et 2008. Malgré les qualités du dessin de Juillard, et sa capacité de mimétisme lui rendant facile l'adaptation aux contraintes de la série, l'accueil critique est mitigé. Ces nouvelles aventures sont cependant un succès public.
Au-delà de cette reprise, Juillard continue son exploration du monde contemporain en bande dessinée en publiant en 2006 Le Long Voyage de Léna sur un scénario de Pierre Christin, suivi d'un second volume en 2009, Léna et les Trois Femmes. Son travail d'illustrateur continue de susciter de nombreux ouvrages, chez Alain Beaulet toujours, mais également chez Daniel Maghen, qui publie en 2006 Entracte, biographie par l'image. En septembre 2008, le festival BDFIL de Lausanne lui consacre une grande exposition où sont présentées plus de 250 pièces originales.
Un dessinateur remarquable
Si sa qualité de narrateur a été louée dans Le Cahier bleu, son premier album sans collaborateurs, couronné de nombreux prix, André Juillard a avant tout atteint la célébrité pour la qualité de son dessin. Celui-ci, classique sans être une simple copie de styles passés, se distingue avant tout par sa clarté, sa lisibilité esthétique. Très prolifique, Juillard arrive en effet à marier un certain académisme, un réalisme classique au dynamisme nécessaire à la bonne tenue d'une bande dessinée.
Très influencé à ses débuts par Jean-Claude Mézières et Jijé (relief privilégié aux contours par de larges aplats noirs, hachurages nombreux), il se clarifie rapidement, sous l'influence notamment d'Harold Foster. À partir de Bohémond Saint-Gilles, il emprunte à celui-ci ses qualités, « le sens de l'espace, le soin apporté aux détails, la science de l'anatomie et de l'éclairage, (...) un découpage dynamique variant les angles de vue et alternant les gros plans avec de vastes compositions d'ensemble » sans la froideur inhérente à un académisme trop respectueux. Le dernier épisode de la série, puis Cheminots, marquent une nette évolution : son trait se fait pur et noble, tout en gardant en permanence une « invention dans le geste et dans l'expression qui fait défaut » à la bande dessinée historique classique.
Dès lors qu'il peut passer du temps à y réfléchir, ses planches comme ses cases montrent un réel sens de la narration : il sait varier les angles de vues et les profondeurs de champ afin de la rendre la plus efficace possible, tout comme réaliser des dessins dont la composition-même la sert.
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